Des rapaces incendiaires ? La revue La Recherche relate un fait observé en Australie, mais Pline et d’autres auteurs antiques avaient déjà bien identifié cette étrange faculté cryptozoologique
« Faucons de feu » : ce nom évocateur désigne, chez les aborigènes, trois espèces de rapaces : le milan noir, le milan siffleur et le faucon brun. Ils leur prêtent en effet le pouvoir de maîtriser et répandre le feu. Une croyance qui prend une nouvelle dimension avec l’étude menée par une équipe internationale. Marc Bonta, de l’université d’État de Pennsylvanie, aux États-Unis, et son groupe sont en effet parvenus à la conclusion que ces « faucons de feu » contribuaient à la propagation des incendies. Comment? En transportant des brindilles enflammées, qu’ils lâchent sur des zones encore épargnées par les flammes.
Pour parvenir à ce résultat, ils ont collecté une vingtaine de témoignages à la fois d’aborigènes et de non-aborigènes, sur une période allant de 1963 à 2013 dans le nord de l’Australie. Dick Eussen, coauteur de ce travail et lui-même pompier, a observé en direct ce phénomène. Alors qu’il avait, avec ses collègues, maîtrisé un feu menaçant une route, il a été alerté du fait que les flammes avaient atteint l’autre côté, jusqu’alors préservé. Sur place, le pompier a remarqué un milan siffleur volant à une vingtaine de mètres d’altitude avec, dans ses griffes, une brindille. Il a fait le lien. Cette attitude pyromane est en fait un moyen efficace de chasser, comme l’explique Bob Gosford, du Central Land Council et coauteur de ce travail : « // est possible que certains individus aient adapté leur capacité à transporter des brindilles pour construire un nid, par exemple pour accroître leur source de nourriture. » C’est-à-dire, les petits insectes, les grenouilles, les reptiles ou les petits oiseaux, qui fuient devant le feu ou qui sont tués.
Comportement multicentenaire
Pour l’instant, ce comportement a été principalement observé sur une zone de 4 millions de kilomètres carrés. « Mais nous avons des témoignages dans des biomes et des régions de savanes similaires dans le monde, où l’on trouve de larges populations de milans noirs ou de leurs proches parents », précise Bob Gosford. Et si l’on en croit les aborigènes, il aurait été adopté il y a des centaines, voire des milliers d’années! Pour les chercheurs, ce travail appelle à reconsidérer les observations fournies par les aborigènes, souvent jugées (à tort) moins « scientifiques». « Un aspect important de notre travail est de soumettre les connaissances écologiques aborigènes à un examen minutieux, mais aussi de les reconnaître comme une source pour des recherches comme les nôtres », souligne Bob Gosford. Car, rappelle-t-il, cela permettrait de profiter de la connaissance acquise par ce peuple lors des derniers millénaires -une base de données énorme, rapportée aux quelque 230 années d’observations menées par les Européens depuis la colonisation.
Source : article de Bérénice Robert in La Recherche, n° 533, mars 2018 / Référence à l’ouvrage de M. Bonta et al. EthnobioL, 37, 700, 2017. L’étude complète du phénomène est publiée en open access sur le site BioOne Complete.
En fait, on devrait plutôt parler de cas multi-millénaires, car des cas similaires ont été rapportés par plusieurs auteurs de l’Antiquité, toujours imputés à des rapaces ou à des oiseaux de proie.
Aristophane cite ainsi un aigle incendiaire dans son Pistheterus. Dans son Histoire naturelle (Livre X), Pline l’Ancien fournit les détails les plus intéressants :
« XVII. L’oiseau appelé incendiaire est aussi de mauvais augure, et nous lisons dans les Annales que souvent on a purifié Rome à cause de lui; par exemple, sous le consulat de L. Cassius et de C. Marius (an de Rome 647), année où on la purifia aussi, un hibou ayant été vu. Quel est cet oiseau ? ni livres ni tradition ne le disent. Quelques-uns expliquent ainsi la chose : l’incendiaire est tout oiseau qui apparaît portant un charbon enlevé aux feux des autels. D’autres l’appellent spinturnix, mais je n’al trouvé personne qui dit savoir quel était cet oiseau ».
Inauspicata est et incendiaria avis, quam propter saepe numero lustratam urbem in annalibus invenimus, sicut L- Cassio C- Mario cos-, quo anno et bubone viso lustratam esse. quae sit avis ea, non reperitur nec traditur. quidam ita interpretantur, incendiariam esse quaecumque apparverit carbonem ferens ex aris vel altaribus ; alii spinturnicem eam vocant, sed haec ipsa quae esset inter aves, qui se scire diceret non inveni.
Vous appréciez les posts de Carmen Galli ? Partagez-les sur vos réseaux sociaux et n’hésitez-pas à y laisser un commentaire.
Vous souhaitez publier des infos ou un post sur Carmen Galli ? Rien de plus simple, il suffit de contacter le blog !