Des dents de sagesse aux dents de vieillesse !

Après la chute des dents de lait chez l’enfant, l’homme acquiert sa dentition adulte (ou denture permanente) et la conserve jusqu’à sa mort, plus ou moins complète et en plus ou moins bon état ! Mais chez quelques personnes âgées, il semble que ce processus puisse se répéter, une troisième poussée de dents nouvelles venant remplacer tout ou partie de celles de l’adulte. On ne parle pas là des banales dents de sagesse qui percent jusqu’à très tard chez certains sujets, mais bien d’un jeu plus ou moins complet de dents toutes neuves, ou « dents de vieillesse » !
Investigations odontologiques aux confins du grand âge …

Les « dents de vieillesse », miracle de l’Alchimie ou faculté naturelle ?

L’alchimiste Eugène Canseliet (1899-1982), dans un incontournable entretien radiophonique avec Jacques Chancel (Radioscopie du 23 juin 1978), a évoqué allusivement ce phénomène que les odontologues désignent -sans trop y croire- comme la « troisième éruption dentaire »… Quand il revit Fulcanelli en Espagne en 1952, l’Adepte avait alors 113 ans mais n’en paraissait pas 60. L’homme déjà âgé qu’il avait connu des décennies auparavant, et dont il gardait le souvenir d’un « vieillard, un beau vieillard, certes, mais néanmoins un vieillard » semblait avoir rajeuni de manière tout à fait extraordinaire :

Eugène Canseliet
Eugène Canseliet

« Quelle surprise ! […] C’est un peu comme l’enfant qui prend de l’âge, qui devient un homme ; on reconnaît l’enfant qu’on a connu dans l’homme qu’on retrouve […] Mais l’inverse ? Le vieillard qu’on a connu […] et qu’on revoit comme s’il avait remonté le temps ? On reconnaît toute sorte de choses du visage, les oreilles, la forme, l’implantation des cheveux, grisonnants, certes, mais qui étaient noirs… Bon, vous me direz, il a pu se teindre… Non ! C’était bien lui ». Et d’ajouter « Je n’ai pas pu voir s’il avait des dents nouvelles, je vais loin Mais dans l’ensemble, quelle allure ! »

Le Pandit Madan Mohan Malaviya

Un phénomène analogue -et peut-être lui aussi en lien avec l’Alchimie- semble s’être produit chez un des grands militants de l’Indépendance de l’Inde, Madan Mohan Malaviya (1861-1946), compagnon de route de Gandhi, député et ancien Président du Congrès national Indien, vice-chancelier de l’université hindoue de Bénarès.

Illustration du magazine américain LOOK

En 1938, à presque 80 ans, il défraya la chronique par une spectaculaire régénération attribuée au kayakalpa, un traitement ayurvédique de l’Alchimie indienne : l’homme semblait avoir rajeuni de trente ans et là aussi, certains insinuent qu’il aurait eu de nouvelles dents (ce que démentira toutefois Malaviya lui-même).

De prime abord, de tels faits peuvent surprendre mais au terme d’une longue enquête, Carmen Galli a constaté que la repousse des dents chez une personne très âgée (accompagnée parfois, comme chez Fulcanelli, d’une repigmentation des cheveux) n’est pas réservée aux Adeptes parvenus à la Pierre philosophale : certains individus -voire tout le monde- possèdent peut-être naturellement cette faculté régénérative surprenante qu’au fond, la Médecine alchimique se contenterait de potentialiser.

Un phénomène identifié dès l’Antiquité …

Au Livre XI de son Histoire naturelle, Pline l’Ancien (23-79 ap. JC) évoque le phénomène (« Mucianus prétend avoir vu Zancies de Samothrace, à qui ses dents avaient repoussé à plus de 104 ans ») mais ce bref passage n’est guère probant, car il s’agit d’un témoignage de seconde main dont l’auteur ne garantit pas l’authenticité ; du reste, comme beaucoup d’auteurs antiques, Pline ne faisait pas toujours la distinction entre des faits bien réels, des récits plus ou moins imaginaires ou des mythes purement légendaires.
De son côté, Aristote (4ème siècle av. JC) rapporte dans son Histoire des animaux (T. 1er, Livre II, ch. III § 20) qu’on a déjà vu « quelques femmes à qui des molaires ont poussé à l’âge de quatre-vingts ans ; mais cette pousse était très-douloureuse. On l’a vue aussi chez des hommes », sans préciser cependant si ces  molaires étaient des dents de sagesse extrêmement tardives ou bien d’authentiques nouvelles dents remplaçant des molaires tombées longtemps auparavant.

Portrait de Katherine FitzGerald

Au 16ème siècle ap. JC, une aristocrate irlandaise, Katherine FitzGerald, comtesse de Desmond, restée fameuse pour sa forme et sa longévité à toute épreuve (elle serait morte en tombant d’un arbre à 120 ans passés…) s’est signalée, entre autres singularités, par la pousse d’une nouvelle dentition aux alentours de 90 ans. Le cas est rapporté par plusieurs sources, avec cependant des détails trop divergents pour qu’on puisse le tenir pour certain.

Dans sa thèse de doctorat en chirurgie dentaire soutenue en 2016 devant la Faculté d’odontologie de l’Université de Lorraine, Romain Semionov consacre d’intéressants développements à la « 3ème dentition ». Il cite notamment le témoignage vécu de l’anatomiste hollandais Isbandis de Diemerbroeck (1609-1674), qui a observé le phénomène sur lui-même : Diemerbroeck raconte raconte qu’à l’âge de 56 ans, une de ses canines a repoussé alors qu’il l’avait perdue des années auparavant, reconnaissant néanmoins que ce phénomène est extrêmement rare.

L’anatomiste  Isbbandis de Diemerbroeck

Soucieux du détail, le chirurgien flamand Jean Palfin (in son Traité sur la Nouvelle ostéologie publié à Paris en 1731) relève que chez Diemerbroeck, cette nouvelle dent tardive « resta plus petite que les autres » ; Palfin mentionne plusieurs autres cas similaires, dont celui d’une femme de Silésie (en Europe centrale) âgée d’environ 70 ans, à laquelle la pousse de 20 nouvelles dents causa « de très vives douleurs, & les mêmes accidens qui arrivent aux enfans à la sortie de leur premières Dents »…

 … et beaucoup mieux documenté à partir du 18ème siècle

La littérature odontologique des 18ème et 19ème siècles abonde d’observations bien documentées, avec des cas parfois saisissants de « dentition des vieillards ». Le médecin pathologiste français Gabriel Andral (1797-1876), professeur à la Faculté de médecine de Paris et véritable fondateur de l’hématologie, en signale plusieurs dans son Précis d’Anatomie pathologique (T. 2nd, Ière partie) publié à Paris en 1829 : «  […] il y a des cas où, plus ou moins longtemps après l’époque où sont tombées les dents de la seconde dentition, de nouvelles dents viennent à paraître ; et comme cela a surtout lieu dans un âge avancé, on a donné à cette troisième pousse de dents le nom de dentition des vieillards. Sur douze cas de ce genre que j’ai trouvés épars dans les auteurs, l’individu le moins âgé avait 30 ans […] un second avait 50 ans [et ainsi de suite jusqu’à] un sixième 70 ans ; deux avaient 80 ans […] un neuvième 82 ans […] un dixième 92 ans […] et des deux deniers l’un avait 104 […] et l’autre 119 ans ».
Toujours au chapitre de l’anatomie, le Dr Anatole Le Double, dans son Traité des variations des os de la face de l’homme (Paris, 1906), formule d’intéressantes observations sur la troisième dentition et remarque que ces dents survenues sur le tard « sont, en outre, habituellement plus foncées, jaunâtres et coniques, ressemblant, en un mot, à celles des sélaciens… » (c’est-à-dire les poissons à os cartilagineux comme les requins ou les raies, dont les dents tombent et se remplacent durant toute la vie de l’animal).

L’anatomiste français Étienne Serres (1786-1868) a consacré à ce phénomène deux rubriques de son Essai sur l’anatomie et la physiologie des dents, ou la Nouvelle théorie de la dentition ; la première, intitulée « De la troisième dentition » qui, selon lui, peut se produire chez des sujets relativement jeunes et la seconde, traitant de sa déclinaison spécifique chez les personnes très âgées (« De la dentition des vieillards » sic), dont il convient avec philosophie que s‘il est « des propositions singulières par elles-mêmes : de ce nombre est, sans contredit, la dentition des vieillards. A plus d’un égard, l’homme, à la fin de sa carrière, se rapproche de l’état où il étoit à son entrée ; mais la pousse de nouvelles dents, à un âge très-avancé, me paroît l’une des choses les plus bizarres de son histoire »…

Le Pr Etienne Serres

Examinant les possibles explications physiologiques de ces éruptions dentaires tardives, Serres se réfère non seulement aux nombreux travaux antérieurs de plusieurs éminents confrères -dont les Observationes quaedam de dentitione tertia, un opuscule en latin publié sur ce sujet en 1786 par l’anatomiste allemand Johann Carl Gehler (1732-1796)– mais également à ses propres observations, dont un cas typique de troisième pousse chez un de ses patients (assez jeune au demeurant) : « J‘ai, en ce moment , à l’hôpital dé la Pitié, |un homme de trente-cinq ans, dont les deux incisives centrales de la mâchoire inférieure tombèrent accidentellement à l’âge de trente-un ans ; au bout de quelques mois, il fut fort surpris, dit-il, de voir reparoître celles qui existent maintenant : ces troisièmes dents sont beaucoup plus petites que les autres, et sont toujours un peu branlantes, peut-être parce que les alvéoles ne les embrassent pas encore étroitement par leurs racines ».
On trouve la relation de nombreux cas de ce type dans la littérature spécialisée de l’époque. Dans les Comptes rendus et Mémoires de la Société de Biologie (3ème Série, T. 2, Paris, Londres & New York, 1861), M. Carre, Interne des Hôpitaux de Paris, rapporte ainsi en termes fort précis une éruption dentaire chez une personne âgée de 85 ans :

« Quoique soumises à des lois dans leur évolution, les dents peuvent, comme beaucoup d’organes, présenter de curieuses anomalies […] Tantôt, en effet, les dents font leur apparition avec une rapidité extraordinaire […] tantôt, au contraire, elles se montrent bien après l’époque voulue […] Les exemples de troisième dentition ne sont pas rares […] On pourrait multiplier les citations [mais] j’ai pensé que l’observation suivante présentait assez d’intérêt pour être relatée :
« OBS. — Madame X… a 85 ans; elle jouit d’une excellente santé et d’une activité surprenante pour son âge. Un phénomène curieux s’est manifesté chez elle vers le mois de janvier 1859. A cette époque, elle ressentit une douleur à la mâchoire supérieure; elle crut s’être brûlée en prenant un potage trop chaud. Cette sensation de brûlure et de chaleur persista, avec un peu de gonflement, pendant une huitaine de jours, et c’est alors qu’elle s’aperçut, à son grand étonnement, qu’une dent lui poussait. C’était la canine supérieure gauche. Celle-ci s’accrut avec rapidité, et actuellement elle a ses dimensions et ses caractères naturels, qui permettent facilement de la reconnaître; elle est solidement implantée dans son alvéole.
Deux mois environ après cette première apparition, les mêmes symptômes d’évolution dentaire se montrèrent dans le voisinage et se terminèrent par l’éruption de la deuxième incisive gauche. Cette dent est petite, solide et présentant des aspérités.
A quelques mois d’intervalle (la date n’est pas précise), madame X… vit apparaître la première petite molaire inférieure du côté droit ; enfin, au mois de janvier dernier, la première petite molaire supérieure du même côté. La première de ses deux dents n’a acquis qu’un développement très-limité ; elle déborde à peine le rebord de la gencive, elle est irrégulière à sa surface libre. La deuxième a des dimensions presque normales […] »

Le thème de la 3ème pousse dentaire évoqué de manière humoristique dans l’ancien magazine britannique Your Sinclair : ” Vous avez perdu une dent ? Ce n’est pas grave, une autre poussera […] rassurez-vous, car la pousse d’une troisième dent a été constatée à plusieurs reprises, et un Français en a même fait quatre […] “.

… et signalé dans différentes régions du monde

Dans les années 1980, Carmen Galli (in son édition papier) avait cité plusieurs cas alors récents de troisième pousse survenus en Chine et relatés par la presse locale ; le n° 5 de l’édition papier (avril 1982) signalait par exemple une brève du quotidien de Shanghai Wenhui Bao titrée La vie à pleine dent, rapportant qu’un paysan centenaire et édenté, Luo Shijun, « … a eu la stupéfaction de voir un beau matin 27 dents toutes neuves -16 en bas et 11 en haut- pointer sur ses gencives dégarnies […] et qui, depuis, cette ahurissante “poussée” est devenu une véritable célébrité dans sa région. Un responsable de son village, qui n’en croyait pas ses yeux, a donné à Luo un morceau de viande que le paysan a mâché avec complaisance devant une foule ébahie » ; d’après une coupure du journal Nice-Matin du 6 avril 1982, les nouvelles dents de Luo continuaient d’ailleurs de pousser au moment de la parution.
Beaucoup plus récemment (novembre 2009), quelques sites d’information ont relayé l’anecdote survenue à une certaine Mme Jiao Zhenwa, une chinoise de 107 ans vivant dans le district de Ychuan (province de Henan) : selon le très officiel China Daily, la plus que centenaire a vu pousser deux nouvelles dents, un phénomène qui a vivement surpris son entourage et sa nombreuse famille ! Se référant quant à lui au People’s Daily online, le site de L’internaute.com s’en est lui aussi fait l’écho dans une petite chronique concluant que « même après 100 ans, on peut croquer la vie à pleine dents … ou presque » !

La Chine n’a pas le monopole de ces cas singuliers. Ainsi, au 19ème siècle, l’explorateur britannique Hervey Lovet Cameron (1844-1894), premier européen à avoir traversé l’Afrique équatoriale d’est en ouest entre Zanzibar (en Tanzanie) et Benguéla (en Angola), raconte sa rencontre avec un certain Magommba, important chef local de la région de la région des Grands Lacs qui, au dire de ses sujets, avait alors plus de trois cents ans… Sans se prononcer sur l’âge réel du personnage, Cameron était néanmoins convaincu qu’il avait à faire à un centenaire (« […] pour moi, il n’est pas douteux que Magommba n’eût alors beaucoup plus d’un siècle : ses petits-fils étaient des vieillards à cheveux blancs et couverts de rides »), et rapporta cette surprenante anecdote : «  Magommba en était à sa quatrième dentition. Toujours d’après les mêmes dires, il avait perdu ses troisièmes dents, sept années avant notre visite ; depuis cette époque, ne pouvant plus manger de viande, seule nourriture qui fût digne d’un homme de son rang, il ne vivait que de bière »…

Les nouvelles dents de Maria Vasilyeva

Au fil de dépêches publiées sur Internet, on découvre également des cas similaires en Europe de l’Est, comme celui de Maria Vasilyeva, une femme de 104 ans vivant au Tatarstan (Russie) et qui, d’après une dépêche de l’Agence RIA Novosti, aurait vu en 2001 repousser non pas une dentition complète mais trois nouvelles dents ; ou celui d’une femme de Bosnie âgée de 115 ans chez qui était repoussée une série de trois nouvelles dents ressemblant à des dents de chat…

En Inde et dans les régions limitrophes, on signale également plusieurs cas de repousse tardive des dents et de recoloration capillaire, le plus souvent grâce à des pratiques et des substances rappelant quelque peu l’Alchimie.
Ainsi, dans une étude bien documentée(1) sur le rajeunissement de Madan Mohan Malaviya (cf. supra), l’universitaire britannique Suzanne Newcombe évoque le cas d’un célèbre yogi, le Mahatma Shriman Tapasviji Maharaj, né dans une famille princière du Penjab en 1770 et qui, après plusieurs cycles de régénérations ayurvédiques, aurait vécu jusqu’en 1955, date à laquelle, alors âgé de 185 ans, il aurait décidé de clore définitivement le cours de son existence terrestre… Ayant vécu dans l’aisance et le confort jusqu’à la cinquantaine, Tapasviji, devenu veuf, prit le chemin de l’initiation auprès d’un maître yogi et s’installa dans une grotte située aux pieds de l’Himalaya, non loin de Rishikesh.
Là, il se livra à de rigoureuses pratiques ascétiques de régénération ayurvédique et absorba diverses substances qui, après quelques années, firent de lui un nouvel homme : « alors qu’à cette époque, il avait déjà des rides, il aurait pris quotidiennement une certaine pilule pendant trois jours. Puis il perdit connaissance pendant trois jours, au cours desquels son compagnon sadhu lui administra quatre pilules supplémentaires. Au bout de dix jours, la peau de Tapasviji s’était détachée, remplacée par une nouvelle peau sans rides. Au bout de quinze jours, une nouvelle dentition lui était poussée et ses cheveux étaient passés du blanc au noir. Tapasviji rapporte que ce traitement a duré au total trois mois. Après avoir constaté un tel rajeunissement, son compagnon sadhu suivit lui aussi le traitement, avec les mêmes changements positifs, retrouvant sa jeunesse et sa force […] ».

Outre-Atlantique, le Petit Journal de Montréal rapporta en septembre 1935 le cas d’un homme âgé décédé à 113 ans, J. Allen Jr (1824-1937), vétéran de la Guerre de Sécession établi en Oklahoma et connu pour avoir élevé, outre ses 8 propres enfants, 43 orphelins dont des petits Indiens ; à cette longévité exceptionnelle et à son dévouement familial remarquable, J. Allen a ajouté un curieux titre de notoriété : la repousse à 111 ans d’une dentition complète (la troisième ou la quatrième, selon les versions).
En Amérique, ce cas est loin d’être isolé. L’Oxford Democrat (un journal de l’État du Maine) relatait ainsi dans son édition du 20 septembre 1920 la mésaventure d’un employé d’une compagnie des eaux du Tennessee, M. Star, qui avait renoncé à se faire poser des implants en raison du coût trop élevé demandé par son dentiste… Il fit bien de surseoir à cette coûteuse intervention car à 84 ans, l’homme constata la repousse naturelle de 12 nouvelles dents, accompagnée des symptômes douloureux habituels que provoque la percée des dents chez les bébés puis chez les enfants faisant leurs dents d’adulte…

Catherine Broshears Maynard en 1903

On remarque également le cas de Catherine Broshears Maynard (1816-1906), énergique co-fondatrice du premier hôpital de Seattle (dans l’État de Washington), chez qui une nouvelle dentition était en train de percer à ses 80 ans (Seattle Times du 4 juillet 1896)…

Des pousses successives : pourquoi s’arrêter à trois ?

Quelques spécialistes -très peu nombreux, il est vrai- ont même envisagé qu’après la troisième éruption dentaire, pourraient en survenir une ou plusieurs autres. Ainsi, un auteur aussi sérieux qu’Étienne Serres ne s’émeut pas outre-mesure que « […] chez certains individus, la dentition peut se renouveler une troisième, et, selon quelques auteurs, même une quatrième fois… ».

Dûment homologué par le Guinness des Records 1983 (29ème édition), le “cas Lison” d’une 4ème pousse dentaire observée en France dans le département de la Nièvre

Plus étonnant encore, au chapitre des anomalies de l’éruption de son traité sur L’art dentaire en médecine légale (Paris, 1898), le Dr Oscar Amoëdo, professeur à l’École Odontotechnique de Paris, énonce sans sourciller qu’il existe « de nombreux faits de troisième, de quatrième, de cinquième et de sixième dentition » !
Surenchère crédible ? En comparaison des exemples argumentés de troisième dentition, Anatole Le Double se montre beaucoup plus réservé sur d’éventuelles suivantes : « En ce qui concerne les cas de dentition quaternaire mentionnés jusqu’ici dans l’espèce humaine, aucun ne me paraît présenter des garanties de certitude absolue ». De fait, sauf à ce qu’elles se répètent à une cadence très rapide, la chronologie de ces poussées dentaires à répétition chez un individu déjà âgé supposerait qu’il survive jusqu’à un âge vraiment très avancé…

Dents et cheveux, un insolite package

A en croire Eugène Canseliet, les cheveux du Fulcanelli des années 1950 seraient redevenus noirs alors qu’ils étaient déjà grisonnants quand il l’avait vu pour la dernière fois, des décennies auparavant… Une affirmation a priori moins choquante que la repousse de nouvelle dents car pour reprendre la malicieuse concession de Canseliet, « Bon, vous me direz, il a pu se teindre » (disqualifiant au passage un certain nombre de personnages blonds ou roux auxquels divers auteurs ont cru pouvoir identifier le Maître ; à moins qu’il ne jouât par cette remarque anodine sur le double sens du terme teinture, en ce qu’il désigne aussi -et surtout !- la Médecine universelle tirée de la Pierre philosophale…).
Cette Médecine ou Élixir qui, d’après La Clef du Grand Œuvre (ou Lettres du Sancelrien tourangeau, opuscule hermétique anonyme publié à Paris en 1777), « peut renouveler l’homme en entier, en lui faisant changer la peau, tomber les vieilles dents, les ongles et les cheveux blancs, à la place desquels elle en fait croître de nouveaux, selon la couleur que l’on désire » ; dans ses Demeures philosophales, Fulcanelli semble cependant réfuter cette affirmation en la mettant sur le compte d’un « excès de l’imagination » !
Reste que le recours à une explication alchimique n’est qu’une voie d’interprétation parmi d’autres, car bien des cas de troisième éruption dentaire s’accompagnent en effet d’une repousse et/ou d’une repigmentation capillaire, deux manifestations certes distinctes, mais peut-être imputables au(x) même(s) facteur(s) et que certains auteurs n’hésitent d’ailleurs pas à associer.

Au 17ème siècle, un écrivain espagnol, Agustín de Rojas Villandrando (1572-1635) puise ainsi dans le Coloquio breve y compendioso de Francisco Martínez de Castrillo (le premier véritable ouvrage européen de la littérature odontologique) ce témoignage quasi fortéen : un magistrat assurait avoir rencontré « dans un endroit des Alpujarras un homme aux cheveux blancs et sans dents, et qu’étant retourné au même endroit douze ans plus tard, il a vu cet homme cette fois-là avec des cheveux noirs et des dents »(2).

Au Tome 2 de son ouvrage Dents et dentistes à travers l’Histoire, le médecin français Augustin Cabanès, journaliste et historien de la médecine (1862-1928) relève « […] dans les Leçons de clinique médicale de R.-J. Graves (page 536) [le cas de] Mary Horn, de Mapleton (Derbyshire), [qui] eut de nouvelles dents à 110 ans, et ses cheveux reprirent alors leur couleur primitive ».

Charles Darwin

De son côté, l’illustre naturaliste britannique Charles Darwin (1809-1882), père de la théorie évolutionniste, acte sans réserve l’affirmation du Dr Sedgwick(3) (1821-1906)/ selon laquelle « […] il existe un rapport analogue entre les cheveux et les dents, dans les cas, fort rares d’ailleurs, où les cheveux ont repoussé à un âge avancé, car les dents repoussent ordinairement aussi »(4). Dans son ouvrage sur la Zoonomie (publiée à Gand en 1810), le grand-père du naturaliste, le médecin Erasmus Darwin (1731-1802), s’était déjà intéressé à la question, émettant l’hypothèse -assez novatrice pour l’époque- que l’homme possède naturellement une certaine faculté de repousse des organes tombés, comparable à celle dont font preuve beaucoup de végétaux et certains animaux (les lézards ou les crabes, par exemple) ; il en voulait pour preuve l’apparition de la dentition adulte après la chute des dents de lait mais aussi « […] quelques exemples d’une troisième pousse survenu aux mâchoires des vieillards ».
Une repigmentation capillaire concomitante avec la repousse tardive de dents a elle aussi été constatée ailleurs qu’en Europe occidentale : dans le n° 9 de son ancienne édition papier, Carmen Galli citait par exemple en 1983 le cas de Mme Yu Yin Yam, vénérable centenaire chez qui venaient de percer huit nouvelles dents tandis qu’une partie de ses cheveux blancs étaient redevenus noirs ; effets collatéraux de ce rajeunissement inattendu, le cycle menstruel de la brave grand-mère était réapparu, et son visage s’était même recouvert d’acné juvénile… (cité dans l’ancien périodique Actuel, n° 44).

Troisième pousse : au fil (dentaire) de l’actualité internationale…

Le rajeunissement et la régénération des organes et des tissus ont de très longue date fait l’objet de recherches et de travaux plus ou moins scientifiques avec, s’agissant plus particulièrement des dents, des résultats en général peu convaincants. Cette situation est néanmoins entrain d’évoluer, des découvertes récentes -la maîtrise des cellules-souches et la thérapie génique, notamment- débouchant déjà sur des résultats assez spectaculaires.

Plusieurs chercheurs russes travaillent sur ce sujet depuis au moins une vingtaine d’années, mettant en œuvre concurremment des technologies avancées (utilisation de cellules-souches, par exemple) et diverses méthodes psychiques (méditation, auto-suggestion,,,) voire ésotériques, avec en ligne de mire la pousse de dents nouvelles à des fins thérapeutiques.
D’après une longue chronique publiée en 2012 sur le site russe de vulgarisation médicale bazovo.ru, « la croissance de nouvelles dents est activée par la nature elle-même vers l’âge de 70-100 ans »(5) et les méthodes régénératives mises en œuvre ne feraient que potentialiser ce processus naturel ; cette chronique renvoie, entre autres références, à la page d’un site Internet d’enseignement yogique et ayurvédique (en russe) intitulée « Comment faire pousser de nouvelles dents ? Pratique de la régénération », avec un exposé méthodique et actualisé des techniques à mettre en œuvre. Parmi bien d’autres publications du même type, on peut également citer, en 2007, une longue étude d’Ekaterina Slobodskova (dentiste ayant pratiqué durant 25 ans), « Новые зубы – фантазия или реальность? » (« De nouvelles dents – fantasme ou réalité ? », dont une assez bonne synthèse en anglais, assortie de plusieurs vidéos Youtube, est disponible sur la version anglophone du site russe arsochi.ru (le texte complet en russe de cette étude est encore disponible sur plusieurs sites russophones).
Que penser de tous ces travaux depuis une vingtaine d’années, qui demeurent globalement méconnus en dehors de la sphère russophone ? Si certains paraissent assez fumeux, ils mériteraient pourtant d’être évalués de manière objective, ne serait-ce que pour éclairer d’autres recherches poursuivies sur ce terrain dans différents pays occidentaux.

Il y a une dizaine d’année, le très sérieux Journal of Dental Research (revue scientifique internationale à comité de lecture), cité par The Guardian, faisait état d’essais réalisés en vue de réimplanter sur des patients édentés des germes de dents nouvelles obtenus par culture cellulaire à partir de cellules gingivales humaines et de cellules-souches de souris.

Le Pr Roland Lauster

Plus récemment (2019), des chercheurs de l’Institut biotechnologique de l’Université technique de Berlin ont communiqué sur leurs travaux visant à réinitialiser chez un sujet dont des dents ont disparu, un processus de croissance en trois phases sur le modèle de la « condensation mésenchymateuse » à l’œuvre dans le développement naturel des ongles ou des dents : d’abord par extraction de cellules de la pulpe dentaire du sujet, qui seront ensuite cultivées selon un procédé les transformant en germe actif, lequel sera enfin réimplanté dans la mâchoire à regarnir… Comme le rapporte la version francophone du Dental Tribune International, l’équipe des chercheurs allemands, sous la direction du Pr Roland Lauster, spécialiste des techniques de régénération cellulaire, se fonde sur l’idée que « […] la mâchoire humaine possède les informations nécessaires à la croissance de nouvelles dents, tout au long de la vie […] la question étant de savoir ce qui déclenche exactement ce processus ».

Le Pr Katsu Takahashi

Mais l’avancée la plus spectaculaire -et la plus récente- semble venir du Japon. Durant l’été 2023, les réseaux sociaux et de très nombreux médias Internet ont ainsi relayé les résultats obtenus par une équipe dirigée par le Pr Katsu Takahashi, directeur du département de dentisterie et de chirurgie buccale de l’Hôpital Kitano, à Osaka. Au terme d’un protocole expérimental complexe et de nombreux essais sur des animaux, ces chercheurs ont mis au point un procédé consistant, schématiquement, à stimuler grâce à un anticorps monoclonal le gène spécifique impliqué dans l’hyperdontie, affection congénitale déclenchant chez certaines personnes (environ 1 % de la population) le développement de dents surnuméraires et qui pourrait lui-même être la survivance d’une faculté naturelle de troisième pousse, ayant régressé (mais pas tout à fait disparu) chez l’homme au cours de l’évolution
Là encore, on retrouve en arrière-plan l’idée très alchimique qu’au fond, cette régénération, quoique surprenante, serait une aptitude innée à laquelle l’Art (dentaire, pour le cas) permettrait de s’exprimer. Faut-il alors admettre, comme le soutient Ekaterina Slobodskova, que « Le troisième changement de dents est associé à l’alchimie de l’esprit [et qu’il] est associé à un changement de la personne elle-même » ?
Pour l’heure, l’équipe japonaise s’en tient à une approche purement physiologique et n’envisage pas de généraliser la repousse de dents nouvelles chez toutes les personnes édentées du troisième âge ! Les essais cliniques chez l’homme, qui pourraient débuter dans les prochaines années, viseront d’abord à traiter certaines affections empêchant chez certains sujets l’éruption normale de leur dentition adulte (anodontie totale, très handicapante pour la nutrition et l’expression orale, ou oligodontie ne portant que sur quelques dents).

Notes :
(1) Suzanne Newcombe, « Yogis, Ayurveda and Kayakalpa – The Rejuvenation of Pandit Malaviya », étude publiée sous la direction de Dagmar Wujastyk, Suzanne Newcombe & and Christèle Barois dans un numéro spécial « Transmutations : Rejuvenation, Longevity, and Immortality Practices in South and Inner Asia » de la revue canadienne (Université de l'Alberta) History of Science in South Asia (n° 5.2 -2017, p, 85–120).

(2) Cité dans les Actes du XXème Congrès de la Société française d'histoire de l'art dentaire, organisé en 2010 à Pouy-sur-Vannes, publiés sous la direction de l'historienne française de la médecine Danielle Gourevitch (1941-2021) - Bibliothèque inter-universitaire de médecine et d'odonto-stomatologie, Paris.

(3) Il s'agit du Dr William Sedgwick, un praticien britannique peu en vue (chirurgien à l'hôpital londonien de Marylebone, épidémiologiste et auteur de plusieurs articles sur l'hérédité) et non du fameux géologue homonyme Adam Sedgwick (1785-1873), qui fut un des principaux enseignants et un ami personnel de Charles Darwin ; la confusion est facile car on retrouve plusieurs Sedgwick (aussi bien en patronyme qu'en prénom) dans l'entourage familial, personnel ou académique de Darwin.

(4) Cf. la citation intégrale de ce texte de Darwin, traduite en français, sur le site du Darwin online et le renvoi bibliographique correspondant sur le site britannique du Darwin Correspondence Project. L'article en question de William Sedwick (in la British and Foreign Medico-Chirurgical Review, n.s. 31: 445–78; 32, p. 159–97) est disponible online sur le site de la National Library of Medecine (bibliothèque américaine) : On the Influence of Sex in Hereditary Disease.

(5) « Méthodes de régénération de nouvelles dents chez l'homme : croissance selon Shichko, Norbekov et l'utilisation des technologies modernes » - Au moment où ce post est rédigé (décembre 2023), la chronique en question ne semble plus disponible sur le site en question.

 

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Saints phallophores … Glory hole in aeternum !

Si les Saints céphalophores s’en vont le chef sous le bras, qu’en est-il exactement des Saints phalliques, ou Saints phallophores ? Un dossier sans queue ni tête, mais plein de trous …

L’histoire se déroule en pays gothique dans le centre de la France du 4ème siècle ap. JC… Une certaine Maura, princesse wisigothique et mère de quatre à douze fils, selon les différentes versions en présence (1), abjure l’arianisme et se rend avec toute sa marmaille jusqu’à Tours, se placer sous la bienveillante protection de l’Évêque de la ville, le très réputé Saint Martin. Mais très vite, les choses se gâtent : apprenant cette conversion dérangeante, le roi des Goths -un certain Agrippinus (historiquement douteux)- les fait traquer par ses sbires. Refusant de renier leur foi nouvelle, la mère et tous ses fils sont martyrisés sur les lieux-mêmes où chacun est arrêté, qui dans le Poitou, qui dans le Limousin, ou encore dans le Berry(2).

Génitour est quant à lui décapité sur la rive gauche de la Creuse, mais qu’à cela ne tienne ! Après décollation, le brave martyr ramasse sa tête, traverse la rivière (un grand classique chez les céphalophores, toujours enclins à franchir ou à gagner un point d’eau : rivière, mare, étang, source…) puis se rend jusqu’à une petite chapelle locale qui deviendra plus tard l’église de Saint-Génitour du Blanc.

Glory Hole
Glory hole, un autre regard …

Là, l’affaire prend un tour plus inattendu quand Génitour, souhaitant entrer dans la chapelle dont le concierge est plus ou moins sourd et totalement aveugle, doit glisser son doigt sanguinolent dans un trou percé dans la porte de l’édifice. Farfouillant dans cet étrange orifice, le saint doigt finit par toucher l’œil de l’aveugle qui, oh miracle ! recouvre la vue instantanément et ouvre grand la porte au Martyr. Le corps et la tête de Génitour peuvent alors finir de mourir tranquillement au milieu de la nef…

Faut-il croire à cette édifiante version ? Le doute est de mise, car d’après un docte ouvrage publié en 1882 par Pierre Forestier, Curé de Notre-Dame d’Hérisson (dans l’Allier), la trame générale de l’histoire concernerait, non pas Génitour, mais son frère Philipin, comme en atteste le récit suivant (3) :

« Saint Principin fut fils de la bienheureuse Maura, noble et très-illustre lacquelle, quittant biens, terre, possessions, honneurs mondains et patrie gothique infidèle et idolâtre, vint en France trouever saint Martin, archevêque de Tours, et entreprit ce long voyage avec douze siens enfants masles […] Le Roy des Goths, nommé Aggrippin, ayant sçeu la nouvelle de ce sainct changement et conversion admirable, en fut tellement irrité, qu’à l’heure il commanda à ses satellites, que, sans autre forme de procès ladicte Maura et ses enfants fussent poursuivis et recherchez, et aussitôt qu’ils seraient treuvez et appréhendez promptement, et sans deloy ils fussent exécutez et mis à mort […] Ce commandement inique et sanguinaire fut bientost après mis à exécution, car, dix d’entre eux furent massacrez et couronnez de la couronne du martyre […] Sainct Principin fut trouvé proche la rivière d’Eulh [une rivière, indispensable à la céphalophorie, et nommée pour le cas Eulh, nom propice aux miracles occulaires …] Enquis et interrogé par un des assassins du roy des Goths […] il répondit franchement : “Si tu demandes a de quelle nation je suis, tu sçauras que je suis de nation gothique. Si tu veux sçavoir ma profession, et quelle est la religion que j’embrasse, je publie et confesse que je suis serviteur de Jésus-Christ, Fils de Dieu” […] Ce bourreau et assassin courroucé et rendu plus furibond d’une si saincte réponse, tenant une hache, en coupa la teste à sainct Principin qui paracheva nonobstant sa prière encommencée, print et amassa icelle teste de sa main et la porta un long chemin jusques à une église dédiée à Nostre-Seigneur et à saint Pierre, frappa à la porte ; estant interrogé par l’aveugle Macharius qui en estoit portier, responce fust donnée, et la porte fut ouverte, et tous deux ensemble entrent en ladicte église. L’aveugle s’estant frotté les yeux du sang du martyr, recouvra la veüe […] ».

La légende dorée n’aurait-elle pas confondu Génitour et son frère, le pieux Principin ? Quoi qu’il en soit, avec un nom pareil, Génitour apparaît plus phallophore que céphalophore…

Génitour, saint phallique

C’est un fait : dans Génitour, il y a géniteur et génital (du latin genitus signifiant procréation, apparenté au grec γεννάω = engendrer, lui-même proche du sanscrit jan, tous ces termes étant dérivés d’une même racine indo-européenne *ǵenh).  : d’où l’attraction que le bien nommé martyr et son trou thaumaturge vont susciter chez femmes désireuse d’une grossesse !

Trou dans le portail de Saint-Génitour
Gros plan sur le petit trou …

Aujourd’hui encore, loin d’avoir été bouché, le précieux trou a été pieusement conservé sur le battant gauche du portail de l’église de Saint-Génitour du Blanc ; il est bien tentant d’y glisser un doigt, sacramentelle intromission qui, d’après les croyances locales, remédierait aux problèmes de stérilité féminine…

Une histoire de trou

Authentique Glory Hole au Western Australian Museum
Authentique Glory Hole exposé par le Western Australian Museum, provenant d’une station de chemin de fer de la région de Perth

De (mauvais) esprits verront sans doute dans ce saint orifice une scabreuse analogie avec le « glory hole » des anglo-saxons (littéralement, le « trou de la gloire ») qui, d’après Wikipédia, consiste en « […] un orifice destiné à des pratiques sexuelles. Dans son acception la plus courante, c’est un trou pratiqué dans un mur ou une cloison dans le but […] de permettre l’insertion d’un pénis […] afin d’avoir un rapport sexuel avec la personne située de l’autre côté […] Il constitue la matérialisation poussée à son paroxysme du fantasme du rapport sexuel sans lendemain avec un ou une inconnue… ». Naguère confiné à des pratiques underground mais Covid aidant, le Glory hole a désormais acquis ses lettres de noblesse sanitaire, geste-barrière imparable aujourd’hui préconisé par le sérieux et très officiel British Columbia Centre for Disease Control (l’agence de santé publique de Colombie britannique, au Canada).

Une pléthore de Saints fécondants !

Anna Gavalda - Ensemble, c'est tout
Ensemble, c’est tout

Hormis Génitour, le panthéon chrétien compte de nombreux intercesseurs censés aider les femmes à la fécondité défaillante… Dans son livre Ensemble c’est tout, la romancière à succès Anna Gavalda apporte ainsi quelques détails croustillants sur les pratiques auxquelles recouraient (et recourent sans doute encore) les femmes dont la grossesse se faisait attendre. Elle met ainsi en scène une grand-mère tourangelle qui, dans sa jeunesse, ne manquait jamais d’aller chaque année « placer un doigt dans le trou de Saint-Génitour ».

« Enfin, je me suis mariée moi aussi… Mais les enfants ne venaient pas… Tous les mois, je maudissais mon ventre et pleurais en faisant bouillir mon linge. J’ai vu des docteurs, je suis même venue ici, à Paris, pour me laisser examiner… J’ai vu des rebouteux, des sorciers, des vieilles affreuses qui me demandaient des choses impossibles… Des choses que j’ai faites […] sans broncher… Sacrifier des agnelles à la pleine lune, bu leur sang, avalé des… Oh, non… C’était vraiment barbare […] C’était un autre siècle… On disait de moi que j’étais tachée. Et puis les pèlerinages… Tous les ans, j’allais au Blanc, placer un doigt dans le trou de saint Génitour, après j’allais gratter saint Greluchon à Gargilesse… […] Et ce n’est pas fini […] II fallait déposer un ex-voto en cire représentant l’enfant désiré au saint Grenouillard de Preuilly […] Ah ! Ils étaient beaux mes bébés de cire […] De vraies poupées… II ne leur manquait plus que la parole… Et puis un jour, alors que je m’étais résignée depuis longtemps, je suis tombée enceinte… J’avais bien plus de trente ans […] j’étais vieille déjà… » (4).

Saint Greluchon
Saint Greluchon, statue aujourd’hui disparue

A qui, finalement, attribuer cette grossesse un peu tardive ? A Saint Génitour ou à Saint Greluchon (ou Guerluchon, selon les versions), dont une statue au pénis en érection a été dérobée en 2021 dans l’église de Gargilesse-Dampierre (Indre) ?

Plaque sur la nouvelle fontaine de Saint Guerluchon
Plaque sur la nouvelle fontaine de Saint Guerluchon, commune de Saint-Plantaire. Qu’en termes galants ces choses-là sont mises…

Ou encore à ce Saint Grenouillard de Preuilly-la-Volle (Indre), auquel il était d’usage « d’apporter des marmots en cire pour avoir des enfants » (en d’autres termes, des dagydes), comme le relate le folkloriste Jacques-Marie Rougé dans son « Folklore de la Touraine » (5).

En réalité, comme plusieurs chroniqueurs avisés, nous aurions tendance à considérer que ces trois entités n’en feraient qu’une, la mutabilité et l’interchangeabilité étant précisément une des caractéristiques essentielles des entités astrales ; elle serait également vénérée sous d’autres identités évocatrices comme ce phallique Saint Phalier (ou Phalien) à Chabris (Indre) ou le très séminal Saint Foutin dont Wikipedia (version en picard) nous apprend révèle que « ch’est un saint falique évoqué pour el fertilité. Les feumes qui n’ peuvent poin avoèr d’éfants, ale priet’te à saint Foutin et li offret’te des offrannes foaites in forme ed biloute… ».

La continuation de cultes priapiques ancestraux

Amulette priapique romaine, ou Fascinus
Amulette ityphalle romaine, ou fascinus

La vénération des saints phallophores s’inscrit dans le droit fil des cultes priapiques de l’Antiquité (égyptiens, perses, phéniciens, grecs ou romains, pour n’en citer que quelques uns), où le phallus et ses représentations étaient réputés attirer la chance et protéger influences néfastes. A défaut de pouvoir les éradiquer, l’Église chrétienne les a récupérés sous diverses formes dont plusieurs ouvrages réputés donnent quelques exemples.

Jacques-Antoine Dulaure
Jacques-Antoine Dulaure

Ainsi, dans le tome second de son Histoire abrégée de différens cultes, consacré aux Divinités génératrices chez les anciens et les modernes, l’historien et archéologue Jacques-Antoine Dulaure observe-t-il que « L’habitude est, de toutes les affections humaines, la plus dangereuse à combattre, la plus difficile à détruire. La raison ne réussit jamais contre elle […] On ne doit donc pas être surpris d’apprendre que le culte du Phallus se soit maintenu dans les pays où le christianisme fut établi ; qu’il ait bravé les dogmes austères de cette religion ; et que, pendant plus de quinze siècles, il ait résisté, sans succomber, aux efforts des prêtres chrétiens, fortifiés souvent par l’autorité civile. […] Priape reçut le nom et le costume de saint ; mais on lui conserva ses attributions, sa vertu préservatrice et fécondante , et cette partie saillante et monstrueuse qui en est le symbole. Priape, métamorphosé en saint, fut honorablement placé dans les églises, et invoqué par les chrétiennes stériles, qui , en faisant des offrandes, achetaient l’espérance d’être exaucées ». Et de détailler de manière très crue, au chapitre suivant, différentes pratiques de ce « Culte de Priape sous les noms de saint Foutin , de saint René , de saint Guerlichon , de saint Guignolé , etc. »(6).

Le culte des saints phallophores semble avoir été très répandu en France, le plus souvent avec la bienveillante connivence du clergé local et le maintien de pratiques superstitieuses ancestrales (frottements, baisers, dagydes et ex voto inconvenants, etc.) que révèlent plusieurs ouvrages anciens… :

« A la distance d’environ quatre lieues de Clermont en Auvergne, […] il y a, ou il y avait, un roc isolé qui avait la forme d’un immense phallus et qui était vulgairement appelé saint Foutin. Des saints phalliques analogues étaient vénérés sous les noms de saint Guerlichon ou Greluchon, à Bourg-Dieu dans le diocèse de Bourges […] et pardessus tout, de saint Guignolé, près de Brest, ainsi que dans le village de la Ghâtelette, dans le Berry. Beaucoup de ces phallus existaient et étaient encore vénérés dans le dernier siècle. Dans quelques lieux, le phallus de bois fut détruit par le grattage continuel pour en extraire la poudre; dans d’autres, la perte était successivement réparée par un miracle. Le miracle n’était néanmoins pas grand, car ce phallus consistait en une longue pièce de bois passée dans un trou, et lorsque la partie de l’avant se raccourcissait, un coup de maillet donné derrière le faisait ressortir de toute la longueur qu’il avait perdue […] Les femmes cherchaient un remède à la stérilité en baisant le bout du phallus du saint ou en s’essayant sur lui … » (7).

De même, le Tome 5 du recueil factice connu comme « Journal de Henri III » (8) s’émeut que « … les instituteurs de nos cérémonies n’ont pas eu honte des plus anciennes pièces de l’Antiquité […] témoin Saint Foutin de Varailles en Provence, auquel sont dédiées les parties honteuses de l’un & de l’autre sexe formées en cire : le plancher de la Chapelle en est fort garni, & quand le vent les fait entrebattre, cela débauche un peu les dévotions à l’honneur de ce Saint. Je fus fort scandalisé quand j’y passai, d’ouïr force hommes qui avoient nom Foutin ; la fille de mon hôtesse avoit pour sa maraine une Demoiselle nommée Foutine […] Il y a un autre Saint Foutin à la ville d’Auxerre. Un autre en un Bourg nommé Verdre, aux marches de Bourbonnois. Il y a un autre Saint Foutin au bas Languedoc, Diocèse de Viviers, appellé Saint Foutin de Cives : Et un autre à Porigny, où les femmes ont recours en leurs grossesses & pour avoir des enfans. Voilà comme nos Docteurs ont appointé le paganisme avec nous … ».

Point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre que cette impudique dévotion procurait au clergé d’appréciables bénéfices, ne serait-ce que les nombreuses offrandes des croyantes en mal d’enfant, le plus souvent en espèces et parfois plus, comme le relate l’impertinent Dulaure (op. cit.) : « “est le pilier qui rend les femmes fécondes ?demandait une bonne villageoise à un gros chanoine […]. “C’est moi, répondit-il, en se frappant la poitrine,c’est moi qui suis le pilier” ».

Notes :
(1) La légende de Génitour est relatée avec force détails dans « Les pieuses légendes du Berry», de Just Veillat, Conseiller général – Ve Migné, éditeur-imprimeur, Châteauroux, 1864 ; étrangement, cet ouvrage rapporte une variante selon laquelle Génitour aurait été décapité, non pas par les Goths, mais par des blanchisseuses païennes qu’il aurait importunées en venant leur prêcher la foi chrétienne tandis qu’elles lavaient leur linge… De même, selon ce récit, Maura elle-même aurait été épargnée et se serait retirée en ermite pleurer ses fils jusqu’à la fin de ses jours. Plusieurs blogs (cf. p. ex. Paperblog – Le trou de Saint Génitour) énumèrent les noms des neuf martyrs décapités : Loup, Bénigne, Béat, Epain, Marcellien, Messaire, Génitour, Principin et Tridoire (avec des variantes selon les sources).

(2) Outre Génitour, les hagiographes retiennent notamment de cette infortunée fratrie un certain Epain (à qui une église est dédiée à Saint-Epain, en Indre-et-Loire) et le trio Messaire, Tridore et Principin, plus tard désignés les « Bons Saints » (dont les reliques sont conservées dans l’actuelle église Saint-Etienne du Blanc dans l’Indre, où un pèlerinage annuel est organisé en leur honneur depuis plusieurs siècles).
(3) « Histoire de Saint Principin, martyr de Chasteloy, dédiée aux prêtres du doyenné de Saint-Philippe et aux habitants du canton d’Kérisson » par M. Pierre Forestier, curé de Notre-Dame d’Herisson, doyen de Saint-Philippe – Imprimerie de C. Desrosiers Moulins, 1882.
(4) Anna Gavalda, « Ensemble, c’est tout » (roman), éd. Le Dilettante, Paris, 2004 ; cet ouvrage a fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Claude Berri en 2007.
(5) Jacques-Marie Rougé, « Le folklore de la Touraine », Ed. Arrault et Cie,  Tours, 1923 (plusieurs réed. depuis); ouvrage couronné par le prix Montyon de l’Académie française.
(6) « Histoire abrégée de différens cultes », tome second « Des divinités génératrices chez les anciens et les modernes » par J.-A. Dulaure ; seconde édition, revue , corrigée et augmentée. Guillaume, libraire-éditeur, Paris, 1825.
(7) Richard Payne Knight, « Le culte de Priape et ses rapports avec la théologie mystique des anciens », suivi d’un anonyme « Essai sur le culte des pouvoirs générateurs durant le moyen âge » (traduits de l’anglais, par E. W.), chez J.-J. Gay, libraire-éditeur, Bruxelles, 1883.
(8) « Journal de Henri III, roy de France & de Pologne : ou Mémoires pour servir a l’histoire de France. Tome 5 », par M. Pierre de l’Estoile 1546-1611), « Nouvelle édition accompagnée de remarques historiques, & des pièces manuscrites les plus curieuses de ce règne », Ed. chez Pierre Gosse, La Haye, 1744.

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Saints céphalophores, des martyrs qui se prennent la tête …

Certains martyrs chrétiens partagent avec les canards une faculté surprenante : quand on leur coupe la tête, ils continuent à marcher ! Enquête impertinente et un peu gore au panthéon des saints céphalophores …

Anatomie d’une légende

« Céphalophore » signifie « porteur de tête », du grec Κεφαλὴ (képhalê, la tête) et φέρειν (phorein, porter). Ce terme, apparu au début du 20ème siècle sous la plume de l’historien et hagiographe Marcel Hébert (1), désigne des personnages (des martyrs chrétiens, le plus souvent) qui, une fois décapités, se relèvent, ramassent leur tête et parcourent une certaine distance -parfois importante- pour rejoindre l’endroit où ils souhaitent être inhumés. Hébert se réfère ainsi à un texte en latin remontant probablement au 9ème siècle, La passion de Saint Elophe (tiré des Acta Sanctorum), martyr décapité au 4ème siècle à l’époque des persécutions de l’Empereur romain Julien l’Apostat :

« […] Dieu voulut glorifier son cher martyr et le rendre admirable partout et à tous. Alors le corps du martyr se leva, par la vertu du Christ, et, ramassant sa tête de ses deux mains, il la porta durant l’espace d’un mille […] et parvint sans heurt jusqu’à la colline qui porte son nom. Ensuite, il gravit la montagne qu’avant sa mort il avait choisie pour le lieu de sa sépulture. Il trouva là une pierre blanche et plate, comme l’affirment les habitants de ce pays, et s’assit sur cette pierre […] Le bienheureux martyr Elophe fut enseveli près du lieu où il s’était assis … ».

En général, le #céphalophore part à pied, mais s’il y a lieu, il n’hésite pas à faire quelques détours ni à emprunter un moyen de transport : cheval, bateau …

Sainte Valérie de Limoges
Sainte Valérie de Limoges

La grande majorité des cas de #céphalophorie sont attribués à des hommes, mais on dénombre aussi un certain nombre de femmes #céphalophores, comme Sainte Solange, patronne du Berry, Sainte Valérie de Limoges ou Sainte Noyale, ermite bretonne plus connue sous le prénom de Nolwen : de quoi tordre le coup à l’aphorisme misogyne selon lequel « les femmes n’ayant pas de tête, elles ne peuvent pas la perdre » (d’après l’auteur polémiste Henri Janson).

Un des plus célèbres céphalophores est sans conteste Denis (Dionysius en latin), alors premier évêque de Paris, martyrisé vers 250 sur la butte de Montmartre (Mons Martyrum) avec ses compagnons, le diacre Rustique et le prêtre Éleuthère qui ont donné leur nom à deux petites rues très touristiques près de la Place du Tertre. Loin de se laisser abattre par ce supplice capital (du latin caput, la tête), Denis aurait ramassé son précieux chef puis aurait marché en direction du nord sur environ six kilomètres, jusqu’à un lieu qui s’appellera plus tard Saint-Denis et où, en son honneur, fut édifiée une basilique (aujourd’hui cathédrale) devenue nécropole royale à partir du 7ème siècle.

Le-martyre-de-Saint-Denis-au-Pantheon-de-Leon-Bonnat
Le martyre de Saint Denis, par Léon Bonnat (Panthéon)… Le moment où le saint ramasse sa tête apparaît très rarement dans l’iconographie céphalophorique
Dame Catulla recueille la prècieuses tête de Saint Denis
Dame Catulla recueille la précieuse tête de Saint Denis (enluminure médiévale)

L’histoire ajoute qu’avant de s’écrouler, Denis aurait offert sa tête à une certaine Catulla, femme pieuse de la noblesse romaine.

Ce cas est loin d’être isolé : pour reprendre le propos du folkloriste français Pierre Saintyves (alias le fameux libraire-éditeur et anthropologue Emile Nourry, disparu en

Emile-Nourry-alias-Pierre-Saintyves
Emile Nourry, alias Pierre Saintyves

1935), « tous les saints décapités ne passent point pour avoir ramassé leur tête afin de la porter en un lieu choisi, mais on en compte plus de cent vingt qui auraient exécuté cette marche prodigieuse »(2). Singulièrement, le mois d’octobre compte à lui seul 27 fêtes de saints céphalophores dont quatre natalices le 9, trois le 11, trois le 18, trois le 22 et trois le 25.

Depuis très longtemps, des érudits se sont intéressés à cette question à la frontière entre folklore, mythologie et hagiographie. L’incontournable Bulletin de la Société de Mythologie Française lui a par exemple consacré plusieurs articles bien documentés et on trouve aujourd’hui sur le sujet une abondante littérature Internet. On relève également des légendes et des croyances similaire en dehors de la sphère culturelle chrétienne, par exemple en Afrique subsaharienne (où certains féticheurs étaient réputés capables de remettre en place leur tête coupée lors de combats ou de sacrifices) ou en Asie centrale (à Samarcande, on peut encore admirer dans la nécropole de Shah-I-Zinda le mausolée d’un compagnon du Prophète décapité par des adversaires pendant sa prière au 7ème siècle, et qui se serait enfui la tête sous le bras jusqu’à un puits d’accès au Paradis).

Le miracle de Saint Just, par Rubens
Le miracle de Saint Just, par Rubens …

En Europe, les annales hagiographiques -du Moyen Âge pour la plupart- relatent de nombreux cas de céphalophorie, avec différentes variantes locales selon l’époque et les circonstances. On apprend ainsi dans la Passion de Saint Just qu’un jeune garçon de Beauvais, dénoncé comme chrétien au 3ème siècle, aurait été décapité lors des persécution de Dioclétien, puis se serait réfugié dans une forêt où l’auraient rejoint son père et son oncle. Just leur aurait demandé d’être inhumé dans une grotte avoisinante, non

Le miracle de Saint Just - Dessin Eugène Delacroix
… et le même, dessiné par Eugène Delacroix

sans leur avoir confié sa précieuse tête pour qu’ils la rapportent à sa mère (cette histoire n’a bien sûr rien à voir avec celle du révolutionnaire Saint-Just, qui finit lui aussi décapité en 1793 mais dont la légende noire ne rapporte pas qu’il serait reparti la tête sous le bras …).

La ville suisse de Zurich cultive quant à elle le souvenir de deux légionnaires romains convertis, Saint Félix et Saint Exupérance, ainsi que de la sœur de Félix, Sainte Régula, exécutés ensemble après différentes supplices et qui seraient partis en cortège leur tête dans les mains. C’est dans cette attitude qu’ils apparaissent encore aujourd’hui sur le grand sceau du canton de Zurich.

Sceau du Canton de Zurich (Suisse)
Sceau du Canton de Zurich (Suisse)

Sans tête, mais pas sans voix !

 Les céphalophores ne manquent pas de souffle ! A meilleure preuve, leur tête séparée du tronc poursuit imperturbablement ses oraisons, quand bien même plus aucun souffle ne remonte de leurs ex-poumons pour animer leurs cordes vocales. Là encore, les témoignages abondent …

Relatant le martyr de Saint Nicaise, le chroniqueur Flodoard (894-966) raconte ainsi que « au milieu de la psalmodie, tandis qu’il chante d’une voix pieuse ce verset de David ” Mon âme s’est abaissée jusqu’à terre “, sa tête tombe tranchée par le glaive, sans que les pieuses paroles expirent dans sa bouche ; car la tête tombant à terre poursuivait, dit-on, cette sentence d’immortalité ” Vivifiez-moi, Seigneur, conformément à notre parole ” (Ps 118, 25) » (3).

D’après Pierre Saintyves (op. cit.), Saint Lambert à peine décapité aurait emporté sa tête vers un endroit où d’autres martyrs avaient été exécutés, puis se serait écrié -toujours par tête interposée- « Les saints seront exaltés dans la gloire » ; de concert, les martyrs répondirent sur le même ton « Et ils se réjouiront dans leurs tombes »… (après quoi, Lambert s’étendit auprès d’eux pour ne plus se relever). Saint Laurian, évêque de Séville au 5ème siècle décapité par les Wisigoths, aurait pareillement saisi son chef à deux mains et se serait lancé à la poursuite de ses bourreaux terrorisés par l’horrible spectacle, en les rappelant à leur devoir d’une voix ferme : « Arrêtez, ne fuyez pas ainsi, recevez cette tête que votre roi vous a commandé de porter à Séville »… Moins loquace, la tête de Sainte Solange, bien que séparée du reste du corps, se contenta d’invoquer encore trois fois le saint nom de Jésus.

Quoi qu’il en soit, tout, dans son comportement, montre qu’en dépit de sa décollation, le céphalophore garde -si l’on peut dire- la tête sur les épaules ! Certains, comme Lambert, admonestent leurs bourreaux, d’autres gravissent des collines ou effectuent de surprenants périples, tel l’évêque Gohard de Nantes, décapité lors des invasions normandes au 9ème siècle : s’extrayant de son église en flammes la tête en main, il aurait rejoint Angers en remontant la Loire sur un bateau qu’il dirigeait lui-même sans pilote, soit un parcours près de 100 km. à contre-courant sur un fleuve pourtant réputé de navigation difficile.

Un fort tropisme pour l’eau

Comme le relève un blog thématique dédié aux Saints céphalophores, « L’eau occupe une place importante : les martyrs franchissent un cours d’eau […] Parfois ce sont des sources […] qui vont jaillir là où des gouttes de sang ont touché le sol ».

De fait, sans aller jusqu’à s’embarquer, beaucoup de céphalophores se mettent en quête d’un point d’eau (un ruisseau, un étang, …), notamment pour y rincer leur tête ensanglantée avant de la confier à un tiers. Ces ablutions dignes d’un film de série B ont parfois laissé quelques réminiscences mythologiques locales, sous forme de sources ou de bains aux vertus miraculeuses.

Sainte-Libaire-enluminure-du-14e-siecle
Sainte Libaire rinçant sa tête dans une fontaine (enluminure du 14e siecle)

Ainsi, la martyre lorraine Sainte Libaire décapitée à Toul au 4ème siècle, lave son chef dans la fontaine de Grand (l’Apollagranum romaine) et la sanctifie ainsi de son sang. Dans d’autres récits, ce sont les bourreaux qui jettent la tête du martyr dans un puits, dont l’eau devient de ce chef miraculeuse (cas de Saint Balsème –également connu sous le nom de Saint Baussange, jeune martyr décapité par les Vandales au 4ème siècle et honoré à Arcis-sur-Aube), quand même elle n’en ressort pas d’elle-même pour rejoindre miraculeusement les mains de son ex-propriétaire (légende de Saint Aphrodise, premier évêque de Béziers décapité au 1er siècle sur ordre du gouverneur romain) …

Dans ce registre, l’épisode le plus échevelé est sans doute celui d’un certain Saint Quentin, martyr vénéré en Touraine, où plusieurs églises lui sont dédiées. Quentin, encore catéchumène au moment des faits, travaillait au service d’un seigneur nommé Gontran et aurait été décapité sur l’ordre de sa maîtresse, Aga, vexée qu’il ait repoussé les avances pressantes qu’elle lui faisait. Le jeune homme se serait alors redressé, aurait ramassé sa tête et serait aller la baptiser lui-même dans une fontaine proche, de manière à mourir en chrétien de plein exercice, tandis qu’il en sanctifiait les eaux par son geste d’ultime piété(4). Moins radicale, Sainte Valérie, mise à mort pour s’être refusée au païen romain auquel son père la destinait, se contentera après décapitation d’aller assister à la messe de l’évêque Martial et de lui présenter sa tête.

Sainte Valérie présente sa tête à Martial, premier évêque de Limoges
Valérie présente sa tête à Martial, premier évêque de Limoges (église de Saint-Michel-des-Lions à Limoges)

L’association de saints, de martyrs ou d’ermites chrétiens –pas tous céphalophores, loin de là !- à des points d’eau est fréquente dans le folklore hagiographique européen, Pierre Saintyves suggérant à ce propos que, peut-être, le merveilleux chrétien relayait d’antiques croyances païennes liées au culte des eaux, opportunément récupérées par les nouvelles autorités religieuses.

Saint Hilarian d'Espalion
Saint Hilarian d’Espalion devant une croix

L’histoire de Saint Hilarian d’Espalion, décapité par les Sarrasins au 8ème siècle, livre un indice accréditant cette hypothèse : selon un scénario désormais classique, le saint martyr prend soin de nettoyer sa tête dans une source dite de Fontsange (peut-être du latin fons sanguinis, ou source de sang) avant de l’envoyer à sa mère, et depuis, les eaux de cette source sont réputées pour leurs vertus médicinales remarquables ; or, comme le note l’occitaniste félibréen Joseph Vaylet, il se trouve que cette source « […] èro la font sacrado des païens (pacans) » (« était une source sacrée des païens) (5).

La céphalophorie à l’épreuve des neurosciences : le doute est permis …

Si les anciens admettaient sans trop rechigner la céphalophorie, ce phénomène résiste-t-il à l’épreuve des connaissances médicales actuelles ? Rien n’est moins sûr, d’autant qu’en dehors des canards ou des poules décapités, les cas avérés de martyrs chrétiens ne sont plus légion aujourd’hui… En pratique, la céphalophorie contemporaine a été relayée au genre « films d’horreur », dont certains titres -comme Le Décapité vivant (6)– font bonne figure dans ce panthéon improbable.

Le décapité vivant, poster
Le décapité vivant, affiche de la version française

La question de la survie de têtes après décollation a pourtant fait l’objet de macabres recherches au 19ème siècle, dont un mémoire soutenu en 2018 par une archiviste du Loir-et-Cher, Mme Gaëlle Saulé-Mercier, devant l’Université de Franche Comté livre un aperçu singulier (7). Il s’agissait alors surtout de démontrer le caractère atroce et non instantané de la décapitation par guillotine, argument fort pouvant plaider, sinon pour l’abolition de la peine de mort, tout au moins pour le choix d’un procédé moins inhumain.

Dans le Tome IV de ses « Mystère de Paris » (1842-1843), le célèbre romancier Eugène Sue défend ce point de vue en s’appuyant sur les travaux de son père, le docteur Jean-Joseph Sue (1760-1830), médecin de Joséphine de Beauharnais, de Joseph Fouché et de Louis XVIII, qui tentera en vain sous la Révolution de s’opposer à l’adoption de la guillotine comme instrument de supplice. Dans un opuscule présenté à l’Institut national de France sur ses « Recherches physiologiques, et expériences sur la vitalité, et le galvanisme » (8), Jean-Joseph cite ainsi maints exemples de survie temporaire d’animaux de toute sorte dont on avait coupé la tête, et se déclare absolument convaincu qu’il en va de même pour les humains, nonobstant leur impossibilité d’exprimer leur douleur après cette fatale séparation… Et de conclure « […] Je suis presque sûr, qu’à travers tous ces désordres nerveux, vasculeux et musculaires, la puissance pensante entend, voit, sent et juge la séparation de tout son être, en un mot, la personnalité, le moi vivant »… Son fils, lui aussi abolitionniste, voyait dans ces observations une preuve que « la pensée survit quelques minutes à la décollation instantanée. Cette probabilité seule fait frissonner d’épouvante ».

Croquis explicatif du "Décapité parlant"
Croquis explicatif du tour de magie “Le Décapité parlant”

A peu près à la même époque et sur un mode assez grand-guignolesque, l’illusionniste Robert-Houdin présentera son numéro du « Décapité parlant » (tour de magie emprunté à un anglais et originellement appelé Le Sphinx, revisité à plusieurs reprises par la suite sous différents titres comme La tête enchantée ou Le Buste vivant…), ingénieux dispositif fondé sur un jeu de miroirs dans lequel une tête (apparemment) sans corps posée sur une table répondait aux questions du meneur de jeu ; éberlué et crédule, le public d’alors aurait sans doute été enclin à crier à la céphalophorie, pour peu qu’on l’eût ramené dix siècles plus tôt.

Il est symptomatique, dans ces deux exemples, que l’homme du 19ème siècle se soit plus interrogé sur la survie potentielle de la tête que du reste du corps, fondant sa réflexion sur une conception moderne du primat de la pensée consciente -sise par définition dans le cerveau- sur l’activité purement mécanique du tronc ou des membres. La dichotomie apparaît moins tranchée chez les croyants médiévaux : leurs récits ne s’attachent pas au comportement propre de chaque partie et colportent au contraire une image holistique du céphalophore en marche vers sa sépulture, dont la tête et les jambes agissent « comme un seul homme ».

A l’origine du mythe, une convention iconographique ?

La tête -y compris lorsqu’elle se présente comme un crâne- revêt une grande importance symbolique et a suscité dans beaucoup de sociétés des pratiques cultuelles variées, dont les « têtes reliquaires » du Moyen Age chrétien sont un exemple parmi d’autres. D’évidence, le mythe de la céphalophorie, tout comme les travaux des savants du 19ème siècle, s’inscrivent dans ce schéma de pensée.

Reste néanmoins à éclaircir plus précisément les ressorts sur lesquels ont pu se construire les récits céphalophoriques circulant depuis le haut Moyen Âge. Sur ce point, plusieurs hypothèses ont été avancées.

Pour certains, ces récits auraient été inspirés par des découvertes plus ou moins fortuites de tombes antiques (voire préhistoriques) où des squelettes étaient disposés le crâne dans les mains ou sous le bras. C’est la thèse archéologique envisagée par Marcel Hébert, pour qui « […] L’idée de la céphalophorie a pu ou aurait pu résulter de l’interprétation du rite que l’on ne comprenait point : la séparation de la tête d’avec le corps et sa juxtaposition anormale dans de vieilles sépultures. Ce rite, en tous cas, devait singulièrement favoriser la diffusion d’une telle croyance » (op. cit.).

Pour d’autres -majoritaires- les récits de saints déambulant la tête sous le bras découleraient des conventions iconographiques pour la représentation des martyrs décapités (sur les statues, les fresques, les mosaïques, les enluminures, etc …), les artistes positionnant la tête du saint dans ses mains de manière à en offrir une image plus digne et surtout mieux identifiable ; de fait, où auraient-ils pu la placer plus efficacement dans leur composition ? Enclins au merveilleux, les spectateurs auraient d’eux-mêmes élaboré le récit légendaire à partir de cette représentation commode (la légende étant étymologiquement « ce qui doit être lu » en regard de l’image à laquelle elle se rapporte).

C’est très exactement l’explication que retient le célèbre académicien et historien de l’art Emile Mâle (1861-1954) dans son monumental traité sur L’art religieux du XIIIe siècle en France (9) :

« La puissance de l’art sur le peuple fut si grande que les emblèmes imaginés par les artistes ont parfois donné naissance à des légendes nouvelles. Ici, ce n’est plus l’art qui emprunte à la Légende dorée, c’est la Légende dorée au contraire qui s’inspire des inventions de l’art. On devine cette obscure alchimie plus qu’on ne l’explique. Tous les phénomènes qui se passent dans les profondeurs de l’âme populaire demeurent à moitié mystérieux. Saint Denis, on le sait, est toujours représenté portant sa tête dans ses mains […] Les artistes, en l’imaginant, n’avaient pas prétendu autre chose que de rappeler son genre de mort : la tête dans les mains était un signe hiéroglyphique qui signifiait que saint Denis avait été décapité. Leur idée, un peu barbare, n’était pourtant pas sans grandeur, car le saint semblait de ses deux mains offrir sa tête à Dieu. Le peuple ne comprit jamais très bien l’invention des artistes ; il expliqua à sa manière ce qu’il voyait, et il imagina que saint Denis avait réellement porté sa tête après avoir été décapité. On surprend là en travail le génie mythique du moyen âge. Bientôt cet établissement entra dans la vie écrite du saint, et les artistes, sans le savoir, se trouvèrent avoir collaboré à la Légende dorée ».

En clair, la céphalophorie de la statue aurait été interprétée à tort comme une faculté miraculeuse attribuée au saint lui-même !

Gilles Menage
Gilles Ménage, par le dessinateur et graveur Pieter van Schuppen

Dès le 17ème siècle, le grammairien et polygraphe Gilles Ménage (1613-1692) avait déjà émis pareille hypothèse : « La raison pourquoi les Saints qui ont été décapitez, sont représentez portant leurs têtes dans leurs mains, n’est pas qu’ils les y aient reçuës, comme le peuple mal instruit se l’imagine ; c’est qu’on nous a voulu marquer par là le genre de mort qu’ils avoient souffert, & que le tronc seul d’un corps auroit trop choqué la vue » (10).

Eusèbe de Salverte
Eusèbe de Salverte

Dans un ouvrage publié sous son nom de plume Eusèbe Salverte, l’essayiste et député Eusèbe Baconnière de Salverte (1771-1839) replace cette clé de lecture dans une « continuité mythologique » consistant à prendre pour réalité la représentation qu’on en donne :

« […] la représentation même, quelque absurde et monstrueuse qu’elle fût, dût prendre, dans la croyance générale, la place de la réalité qu’elle rappellait originairement […] Et combien ne retrouvons-nous pas, plus près de nous, d’exemples analogues ! Dans le moyen âge, pour exprimer qu’un saint martyr avait péri par la décolation , ses statues, et sur-tout ses images dans les calendriers figurés (seuls moyens d’instruction pour des peuples qui ne savaient pas lire) le représentaient debout, supportant dans ses deux mains sa tête séparée de son corps. Voilà l’origine de la fable pieuse que l’on raconte de beaucoup de martyrs, aussi bien que de St.-Denys […] Bientôt l’attitude où les montraient leurs images, autorisa à dire que, quoique décapités, ils avaient marché du lieu de leur supplice à celui de leur sépulture […] En effet, ce que les emblèmes sont pour les yeux, le style figuré l’est pour la pensée … » (11).

La référence aux calendriers plutôt qu’à d’autres images n’est pas anodine, ces outils d’édification ayant beaucoup contribué aux représentations médiévales du monde, comme l’ont montré plusieurs travaux comme, par exemple, ceux de l’historien Georges Comet (12).

Reste que cette explication voit les gens du Moyen Âge plus naïfs qu’ils ne l’étaient sans doute, d’autant que ces images s’adressaient à un public averti : à l’époque, les décapitations, tant par les bourreaux que dans les batailles, étaient spectacle courant !

Sur le plan de la critique historique, cette thèse d’une lecture faussée des images peine à convaincre car l’iconographie religieuse médiévale, tout en laissant une marge d’inventivité aux artistes, puisait principalement sa source dans les textes, et non l’inverse. Les spécialistes datent les premiers récits d’épisodes célaphoriques aux alentours des 7ème / 8ème siècles, donc bien antérieurs aux plus anciennes représentations graphiques connues du phénomène. Si donc quelques légendes céphalophoriques ont pu naître de l’interprétation fantasmatique de représentations graphiques, dans bien des cas, la légende a précédé l’image, les artistes de l’époque se contentant ensuite, non pas de l’écrire au sens moderne de ce verbe, mais de la rendre lisible à tous au travers d’une figuration la plus fidèle possible.

Pour les gens du Moyen Âge, aussi bien les récits que les images des saints n’étaient pas le compte rendu de faits avérés mais un support d‘imagination propice à la croyance et au merveilleux. « Continuité mythologique » aidant, il n’en fallait pas plus pour qu’à l’occasion,  une légende céphalophorique naisse et se diffuse dans une société crédule mais pas dupe.

Le même mécanisme imaginaire est à l’œuvre derrière des légendes modernes comme celle du Père Noël, entité syncrétique issue de plusieurs figures mythologiques pré-existantes -notamment Saint-Nicolas / Santa Claus- colportée et déclinée à outrance au 20ème siècle dans une société qui n’y a jamais vraiment cru. Syncrétisme à double détente, ce Saint Nicolas éponyme étant lui-même un personnage fictif dont la biographie mythique agrège des éléments empruntés à plusieurs autres saints historiquement mieux avérés. Or, les représentations les plus traditionnelles de Santa Claus le montrent comme un évêque barbu ressemblant beaucoup aux céphalophores ornant les tympans des cathédrales : décapitez-le, et la ressemblance sera parfaite …

Père Noël décapité
Un Père Noël décapité …
Un Santa Claus décapité ....
… et un Santa Claus évêque décapité : un céphalophore potentiel !
Saints Ache et Acheul (portail Saint Firmin, Cathedrale d'Amiens)
Deux saints récemment “céphalophorisés” par les chroniqueurs modernes

Beaucoup de représentations médiévales de saints décapités tenant leur tête dans leurs mains (sur les portails d’églises et de cathédrales, notamment) n’étaient assorties d’aucune légende céphalophorique. Tel était le cas, par exemple, de deux martyrs plus ou moins légendaires, Ache et Acheul (Aceolus, en latin), décapités sur ordre de l’empereur romain Sévère au tout début du 4ème siècle et qui poursuivent leur tête-à-tête en bonne place au portail de la cathédrale de Reims : leur historiographe, l’Abbé Abbé Jules Corblet, n’en recense pas (13) et ni l’un ni l’autre ne figure au catalogue pourtant assez fiable des saints céphalophores établi par Pierre Saintyves (op. cit.). Pourtant, comblant le silence des sources anciennes sur ce point, des chroniqueurs contemporains présentent aujourd’hui ces deux saints comme d’authentiques céphalophores, signe sans doute que la « continuité mythologique » continue d’opérer, notamment sur Internet …

Notes :
(1) In « Les martyrs céphalophores Euchaire, Elophe et Libaire », Revue de l’Université de Bruxelles, Vol. 19 (1914) p. 19-23. Hébert a reproduit en appendice de son article le texte originel en latin de La passion de Saint Elophe.

(2) In « Les Saints céphalophores : Etude de folklore hagiographique », Revue de l’histoire des religions, Vol. 99 (1929), pp. 158-231. Le catalogue des céphalophores de Pierre Saint-yves
(3) Rapporté in « Têtes coupées des saints au Moyen Âge. Martyrs, miracles, reliques », article de la médiéviste Edina Bozoky, Babel – Littératures plurielles, n° 42 (2020), p. 133-168
(4) « Un saint céphalophore de Touraine? Saint Quentin », biographie critique publie en 1979 (d’après plusieurs textes anciens) par l’historien bénédictin Guy-Marie Oury in les Analecta Bollandiana, 97, Issue 3-4, pages 289-300
(5) « Lou martire de Sant-Hilarian », chronique en rouergat publiée en 1928.
(6) « Le Décapité vivant », film Universal Pictures du réalisateur anglo-américain Will Cowan, sorti en 1958 sous le titre original « The thing that couldn’t die »
(7) « L’art religieux du XIIIe siècle en France : étude sur l’iconographie du moyen age et sur ses sources d’inspiration », chez Armand Colin, Paris, 1910
(8) « Recherches physiologiques, et expériences sur la vitalité, et le galvanisme » (3eme edition), chez Gabon et Cie, éditeur, Paris, An XI / 1803.
(9) Gaëlle Saulé-Mercier, « L’affaire Henri Languille – Le guillotiné d’Orléans » (d’après son mémoire universitaire), version papier et électronique publié par les éditions Edilivre, 2020
(10) In le Tome IV des « Menagiana, ou les bons mots et remarques critiques, historiques, morales et d’érudition de M. Ménage recueillies par ses amis».
(11) « Essai sur la magie, les prodiges et les miracles chez les anciens », par Eusèbe Salverte, chez Arnold Lacrosse, Imprimeur-Libraire, Bruxelles, 1821 (l’extrait cité est reproduit dans son orthographe d’origine).
(12) Cf. son article sur « Les calendriers médiévaux, une représentation du monde » In le Journal des savants, 1992, n° 1, pp. 35-98
(13) In « Hagiographie du diocèse d’Amiens » (Tome 1), Editions Dumoulin, Paris-Amiens, 1868.

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